samedi 19 octobre 2013

Newman et Busenbaum sur l'Ignorance Invincible

Le jésuite Busenbaum, dont j'ai mentionné l'œuvre, écrit "Un hérétique, tant qu'il estime que sa secte mérite autant ou davantage de créance que l'Église, n'est aucunement tenu à croire à celle-ci". Et il ajoute: "Si ceux qui ont été élevés dans l'hérésie sont persuadés depuis leur plus jene âge que nous contestons et attaquons la Parole de Dieu, que nous sommes des idolâtres et des imposteurs pernicieux et que, comme tels, on doit nous fuir comme la peste, ils ne peuvent, tant qu'ils demeurent dans cette conviction, nous écouter d'une conscience assurée".


Newman cite (dans le Lettre au Duc de Norfolk)* Hermann Busenbaum (1600-1668) Medulla theologiae moralis ... qui s'ouvre par De regula actuum humanum, tractat 1 De regula interna, sive conscientia, tractat 2 De regula externa scilicet lege.

Ça veut donc dire qu'un Protestant n'est nullement obligé de se convertir au Catholicisme? Non, pas tout à fait. Analysons les conditions précises, elles ne sont pas universelles:

"Un hérétique, tant qu'il estime que sa secte mérite autant ou davantage de créance que l'Église, n'est aucunement tenu à croire à celle-ci".

Aucunement tenu a croire l'Église Catholique (concrètement romaine) comme la règle de la foi. D'accord. Et il se pourrait que jamais il n'eusse réfléchi sur les faits qui rendent sa secte protestante impossible dans le rôle de l'église du Christ. Mais ...

Qu'il sachant que sa secte débute avec la prétendance de restaurer une église auparavant perdue continue a croire sa secte la vraie église après avoir été confronté avec l'incompatibilité entre ceci et Matthieu 28 n'est pas tout aussi excusable.

Une fois compris Matthieu 28, l'hérétique protestant devait sinon immédiatement amplecter l'église romaine au moins visionner l'église de Christ comme comprise entre les églises qui se reclament de Tradition et de Succession Apostolique. Donc: Romaine, Grecque-Slave, Monophysite ou Copte-Arménienne, Nestorienne. Dans une ou plusieurs de ces églises. Et non dans les affirmations protestantes qui les contredisent tous.

"Si ceux qui ont été élevés dans l'hérésie sont persuadés depuis leur plus jene âge que nous contestons et attaquons la Parole de Dieu, que nous sommes des idolâtres et des imposteurs pernicieux et que, comme tels, on doit nous fuir comme la peste, ils ne peuvent, tant qu'ils demeurent dans cette conviction, nous écouter d'une conscience assurée".

Un cas hélas très fréquent à son temps (il écrivit pendant la Guerre de Trente Ans).

De nos jours des soupçons comme ça contre les Catholiques sont nettement moins fréquents, sauf parmi les Fondamentalistes (et il y en a parmi eux qui résipiscent: tektonics défend Pape Léon X contre Bilious Bale et creation.com cite St Thomas d'Aquin). Et sans un tel soupçon, d'où alors cette réserve contre tout ce qui était là avant la Réforme et aussi avant le Concile de Trente et qui en fut confirmé?

Les non-fondamentalistes ont aussi le tort de ne plus croire en l'inerrance de la Bible - contre toute la Tradition ecclésiastique, quel que soit le côté des Conciles d'Éphèse, de Calcédoine, de Lyons et Florens et de Trente - sauf parmi les Protestants les plus radicaux, les Socininiens. Qui n'ont aucune reclamation d'être traditionnels, de simplement continuer le reçu.

Il y a pourtant des gens parmi les Protestants qui ont à la fois une indépendance vis-à-vis l'inerrance biblique et une rélicte de l'anticatholicisme fondamentaliste ou classiquement protestant.

Des gens qui sont sûrs qu'un homme doive renoncer à l'Avé Maria pour se sauver, mais pas sûrs qu'il doive renoncer à Darwin. Qui accusent un homme de papolâtrie s'il est d'accord avec la Bible avec la Papauté, mais qui ne s'accusent pas d'idolâtrie s'ils sont en désaccord à la fois avec la Papauté et avec la Bible. Par exemple sur contraception ou eugénisme.

Je ne les comprends pas. Le malheur est que j'ai affair avec des gens comme ça, me semble-t-il.

Peut-être sont-ils tout simplement des idolâtres du pouvoir public. Comme l'école malékite parmi les Musulmans. Celle d'un Ibn Khaldoun - imité en ceci par Marsile de Padoue et par Macquiavel, par Jules Ferry et Gladstone, par Staline et Hitler.

L'ignorance invincible existe. Mais une ignorance qui a été invincible jusqu'à tel ou tel moment peut ne plus l'être, mais être au contraire devenu opiniâtre. Un Protestant qui n'a jamais réfléchi sur l'incompatibilité entre les attributs de l'église comme indéfectibilité selon Mathieu 28, qui n'a jamais compris que ces mots furent adressés tout d'abord aux Onze et à travers eux aux autres Chrétiens de l'époque et donc à travers eux et leurs successeurs aux simples prêtres et fidèles est en ignorance invincible tant que personne ne lui montre ça et tant que lui-même il n'y réfléchit pas.

Mais une fois qu'il a compris pourquoi les Catholiques se reclament de la Succession Apostolique et de la Tradition Apostolique, s'il cherche alors quand même avec des astuces de plus en plus tordues comme le "tu quoque" et des arguments les moins exactes pour ce "tu quoque" de denier ceci au Catholicisme sans arriver à établir quoique ce soit de correspondant pour le Protestantisme ou le Mormonisme ou l'Islam, on ne peut plus être sûr que son ignorance reste invincible, on doit (dès qu'il le montre clairement) soupçonner que son ignorance est en partie factice.

Et, hélas, il y a des Protestants qui écrivent comme ça. J'ai vu un anglophone qui croyait que la Succession Apostolique aurait été brisé par le fait que les cinquante évêques qui élisent un nouveau pape avaient été déposés et excommuniés par son prédécesseur. Il n'a pas fait attention à tous les autres évêques qui étaient parfaitement légitimes à travers tout le monde catholique de ce siècle. Ni au fait que la succession apostolique n'est pas synonyme avec la succession à la seule Rome (même pour les plus papistes). Ni à la distinction entre pouvoirs sacrementaux d'un évêque ordiné et les pouvoirs juridiques d'un évêque en possession légitime d'une diocèse. Chaque évêque diocésain devant biensûr être aussi ordiné. Mais il y a des évêques ordinés qui ne sont pas évêques diocésains et qui peuvent eux aussi transmettre la succession apostolique.

Donc, non, soit le Protestant auquel je pense (je n'ai pour l'instant pas le lien à son essai en ligne) était simplement maladroit, et devra se corriger dès qu'on lui explique pourquoi son cas contre la succession apostolique ne tient pas, soit il était malhonnête et alors nullement plus dans la situation que considère Busenbaum.

Mais, à supposer que des Protestants peuvent être dans la situation décrite par Busenbaum, doit-on alors éviter de les convertir? Bien non! Ils peuvent se damner pour autre chose que pour Protestantisme et s'ils ne deviennent pas Catholiques ils peuvent avoir pas mal de soucis d'échapper le châtiment éternel, ils peuvent même y échouer. On doit donc avoir un souci - proportionnel aux rélations privées ou au fait d'être un prêcheur public, selon les cas - de les convertir. Et quand aux Orthodoxes qui les imitent (il y en a, hormis le plan liturgique) ... pareil.

Hans-Georg Lundahl
Bpi, Georges Pompidou
St Pierre d'Alcantara
19-X-2013

*Le chapitre sur la conscience, puisque Newman est en train de refuter les propos de Gladstone, qui disait qu'après l'infaillibilité papale décidé par le Concile de Vatican les Catholiques avaient perdu l'usage de leur conscience. Donc Newman dédie un chapitre à la conscience. Vais bientôt vérifier la page ...

... voilà, p. 252 de l'édition française par Desclée de Brouwer (1970).

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