jeudi 22 novembre 2012

"à plus forte raison" - vraiment?

Dans cette Église [*] où, depuis 1993, 3600 femmes ont été ordonnées prêtres [**], les sondages d'opinion montrent que les Britanniques, et à plus forte raison les 25 millions de fidèles d'Angleterre et du Pays de Galles, soutiennent très majoritairement cette évolution.


Ceci selon Loup Besmond de Sennesville et Sébastien Martin. L'ont-ils vérifié ou juste entendu par quelqu'un sur place? Ou l'ont-ils entendu par Églantine Jamet-Moreau, maître de conférences en civilisation anglaise à Paris-X-Nanterre, comme l'info de la paragraphe avant?

Le contexte étant que, la synode une fois réunie à Londres, le vote a rejeté l'épiscopat pour les femmes. L'article que les deux journalistes ont signé pour LaCroix prétend décrypter "pourquoi". Laissant à côté leur explication un peu conspirationniste - non que j'eusse en général un préjugé contre toute explication conspirationniste - je me demande pourquoi ils disent "à plus forte raison"?

D'abord, les non-anglicans sont en majorité athées ou agnostiques. Il y a des Catholiques, Calvinistes, Juifs, Musulman, Wiccans, mais la majorité (au moins rélative) des non-anglicans sont des athées ou agnostiques. C'est de ce groupe là, ancrée comme elle l'est dans la modernité, plutôt que des fidèles que qu'on peut attendre un enthousiasme pour la parité des sexes extendue à la question de l'épiscopat. Un athée ne vas pas s'enthousiasmer pour la question de l'épiscopat en tant que telle (prétend-il normalement, j'ai pourtant vu Dawkins faire appel précisement à l'épiscopat pour dénoncer les créationnistes comme dénoncés par les "compétents" ou "responsables" de "leur propre religion"), mais il va sur une question de ses préférences en majorité répondre qu'il préfère, dans le cas qu'il y a des évêques, qu'il y ait une parité des sexes pour l'accès. Comme ils ne voudront pas que les homosexuels en soient exclus non plus. C'est d'évêques comme ça qu'ils espèrent un soutien dans la démarche de tamponner par exemple les créationnistes comme marginaux parmi même les Chrétiens (une démarche que j'avoue assez réussie jusqu'à présent, si on se borne à regarder le contemporain).

C'est donc des catholiques, orthodoxes et de justement certains anglicans (ceux qui ont perdu la lutte quand à l'ordination des femmes à la simple prêtrise) qu'on peut attendre une réponse comme "non, je ne veux pas que les femmes aient accès à l'épiscopat."

Parmi eux on a souvent un estime pour le ex-anglican Gilbert Keith Chesterton (qui s'opposait à la vote des femmes, vu que celui qui vote la guillotine est de quelque manière lui-même bourreaux: il ne s'opposait pas à la peine capitale non plus), qui s'est converti au Catholicisme bien avant de mourir mais aussi après avoir déjà écrit pas mal (Orthodoxy est de sa période anglicane, il me semble Everlasting Man aussi), et aussi un estime pour l'anglican Clive Staples Lewis. Certains de la High Church, ayant déjà canonisé Charles I comme Roi et Martyr et Jean Sébastien Bach, estiment que C. S. Lewis doit aussi être honoré comme honorent les anglicans High Church leurs saints. Les Anglicans évangélicaux ne partagent bien sûr pas la canonisation, parce qu'ils s'opposent en principe à canonisation, mais ils estiment assez souvent C. S. Lewis et G. K. Chesterton aussi. Or, C. S. Lewis était contre les femmes même simplement prêtres, comme on le peut vérifier dans ses essais ou dans Letters to Malcolm.

Je ne comprends donc que très mal pourquoi la citation de l'article prétend que si c'est dans le public général un grand soutien pour le sacre des femmes comme évêques, alors il dût être encore plus grand parmi les 25 millions de fidèles.***

On vient de voir, après la décision d'ordiner les femmes, que des opposants se soient déclarés indépendants vis-à-vis l'Église* Anglicane. Certains sont désormais l'Ordinariat de Notre Dame de Walsingham, ayant un statut dans l'Église Catholique un peu comme les Orientaux.

Plus tard, un autre opposant interrogeait: "Ne peut-on pas trouver une solution qui ne nous pousse pas hors de l'Église?"[*]


Il me semblait d'abord que c'était la réaction après le vote de quelqu'un ayant voulu l'ordination des femmes-prêtres, mais à la relecture il me semble plutôt que c'était un argument avancé par les opposants, ne voulant pourtant pas suivre ceux de l'Ordinariat de Walsingham. Je laisse donc à côté mon interprétation de ça, vu que les deux cas s'interprêtent très différemment. Par contre, ceci n'est pas équivoque:

Hier, le Dr Rowan Williams a même estimé que l'Église [*] de l'Angleterre avait "perdu une certaine crédibilité" en votant contre l'ordination des femmes évêques.


Sans doute le genre de crédibilité dont jouit lui-même auprès des Dawkins. Auprès d'un C. S. Lewis ses prédécesseurs n'en jouissaient point. Celui qui avait écrit "Honest to God" (reprenant à peu près les thèses de Loisy) se voyait reglé ses comptes auprès de lui avec les mots "I prefer being honest to being 'honest to God'."

Hans-Georg Lundahl
Bpi Georges Pompidou
Ste Cécile
22-XI-2012

*La si-dite "Église Anglicane" n'est pas une église. Voir là-dessus Pape Léon XIII. **Les si-dits "prêtres" de la si-dite "Église Anglicane" ne sont pas prêtres et ne peuvent pas consacrer une hostie. Exception pourtant pour les groupes qui ont reçu les ordinations sacerdotales des évêques ayant reçu récemment le sacre par les Orthodoxes, qui ont des vrais évêques dans le sens sacremental (à part la question de jurisdiction, donc). ***Parmi les si-dits "fidèles" des sectes protestants, il peut y avoir des âmes vraiment fidèles (sinon jusqu'à la mort, au moins pour quelque temps), mais ce n'est pas à cause de ce qui sépare les sectes protestants du Catholicisme ou à cause du manque des vraies messes, plutôt malgré.

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