vendredi 17 février 2012

Claudel avait tort sur Shakespear.

La mémoire de Hyam Maccoby (University of Leeds) exige qu'on mette un peu les points sur les i.

Que dans la scène de justice, Shylock représente le diable et Portia la Sainte Vierge il n'y a pas de doute. Great minds think alike.* Sa maison représente cette synagogue de Satan dont Jessica sort. Il convient de préciser que Jessica en Hébreux, Yiskah=lumière. Une allusion à ce que dit Notre Seigneur à la Samaritaine dans l'Évangile de Saint Jean? Je l'ai cru dans mon analyse.

Dans la finale, Shylock lui-même sort de la synagogue. Car un personnage de cette pièce peut avoir des significations diverses selon les diverses scènes: Antonio commence comme Jésus, faisant la critique à haute voix des Pharisiens, en occurrence de Shylock usurier, continue comme Jésus Notre Sauveur qui se met en gage pour notre dette (il donne sa chair en gage pour Bassanio), mais dans la scène de justice il ne représente que le simple chrétien (ou son âme au jugement particulier), menacé par le diable qui reclame les dettes mais ayant la Sainte Vierge pour avocate. Et Portia mariée à Antonio (après la scène de justice, pendant laquelle elle reste encore vierge) n'est peut-être pas la même chose non plus que la Vierge, néanmoins ce n'est pas une mauvaise chose non plus.

Plût à Dieu que Hyam eût suivi, non pour le menace de la mort bien méritée, mais par bon sens, l'exemple final de Shylock. Autrement il est célèbre pour une œuvre appelée Paul et l'invention du christianisme (The Mythmaker: Paul and the Invention of Christianity) - dont je viens de faire comprendre l'irréalisme dans le message anglais d'il y a dix mois:

What a blooper, Dan Barker from Atheist League!
http://notontimsblogroundhere.blogspot.com/2011/04/what-blooper-dan-barker-from-atheist.html

ou http://o-x.fr/rrxn

Il y a un autre sens de Shylock dans cette pièce: le père rigoureux et Puritain, comme il l'est vis-à-vis Jessica. Vu que Shakespear vivait dans un temps où le Puritanisme avait le vent dans la poupe là où il vivait, il est compréhensible si, ne souhaitant pas de finir trop tôt sur Tyburn, Shakespear se soit un peu tu sur ses convictions religieuses, qu'il se soit exprimé avec un peu de - prudence?

Là où la prudence ne l'exigeait pas, sa théologie morale et son droit canonique s'identifient assez bien aux Catholicisme pré-Tridentin. Pourquoi pré-Tridentin? Parce que le Father Laurenzo en Roméo et Juliette (une autre pièce comme la sait tout le monde) considère possible et valide un mariage clandestin, contrairement à la Réforme Tridentine.

Donc, non, on ne peut pas prétendre que Shakespear eût été un payen. Même au risque de contredire Claudel. Les Catholiques français ont eu une vraie assistance intellectuelle par les Anglais, même les mal informés, puisque quand même mieux informés que les Français de la Gauche, donc ils risquent de négliger un peu les bonnes informations - notemment sur Angleterre.

Effectivement, les Puritains, que Claudel avait copiés dans son jugement global sur Shakespear, considèrent celui-ci comme un payen. Après qu'il les avait persiflés dans le personnage de Shylock, c'est peu étonnant. J'espère que Claudel ne soit pas coupable d'avoir trouvé ça par ses propres efforts de pensé, qu'il soit excusé en suivant une source anglaise peu limpide.

Hans-Georg Lundahl
BpI Georges Pompidou
17-II-2012

*Moi je l'avais écrit, Hyam Maccoby aussi.

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